LIV. À UNE DAME CRÉOLE
Au pays perfumé que le
soleil caresse,
J'ai connu, sous un
dais d'arbres tout empourprés
Et de palmiers d'où
pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux
charmes ignorés.
Son teint est pâle et
chaud; la brume enchanteresse
A dans le cou des airs
noblement maniérés;
Grande et svelte en
marchant comme une chasseresse,
Son sourire est
tranquille et ses yeux assurés.
Si vous alliez, Madame,
au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la
Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d'orner les
antiques manoirs,
Germer mille sonnets
dans le coeur des poëtes,
Que vos grands yeux
rendraient plus soumis que vos noirs.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.
LIV. A UNA DAMA CRIOLLA
En un país fragante
que acaricia el sol,
He visto, bajo un palio
de árboles color púrpura
Y palmeras de donde
desciende la pereza,
Una dama criolla de
ignorados encantos.
De tez caliente y
pálida; la morena hechicera
Tiene en el cuello
aires noblemente oscilantes;
Alta y esbelta andando
como una cazadora,
Su sonrisa es tranquila
y sus ojos seguros.
Señora, si vos vais al
país de la gloria,
A la orilla del Sena o
a la del verde Loira,
Bella digna de ornar
sus antiguas mansiones,
Haríais, al abrigo de
umbrosas enramadas,
Germinar mil sonetos en
almas de poetas,
Que a vos se rendirían
cual servidores negros.
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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