viernes, 14 de agosto de 2015

“Les fleurs du mal”, LA DESTRUCTION, de Charles Baudelaire

LXXVIII. LA DESTRUCTION

Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon;
Il nage autour de moi comme un air impalpable;
Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon
Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.

Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.

Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
Halelant et brisé de fatigue, au milieu
Des plaines de l'Ennui, profondes et desertes,

Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des vêtements souillés, des blessures ouvertes,
Et l'appareil sanglant de la Destruction!

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.


LXXVIII. LA DESTRUCCIÓN

El Demonio se agita a mi lado sin tregua;
Nada a mi alrededor como un aire impalpable;
Yo lo trago y descubro que quema mis pulmones
Que llena de un deseo infinito y culpable.

Toma a veces, sabiendo de mi amor por el Arte,
De la más seductora mujer el parecido,
Y, usando de engañosos pretextos de falsario,
Acostumbra mis labios a los filtros infames.

Lejos de la mirada de Dios, así me lleva,
Jadeante y deshecho por la fatiga, al centro
de planicies de Hastío, profundas y desiertas,

Y lanza ante mis ojos llenos de confusión
Vestiduras manchadas y entreabiertas heridas,
¡Y el sangriento aparato de la cruel Destrucción!

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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