LXXVIII. LA DESTRUCTION
Sans cesse à mes côtés
s'agite le Démon;
Il nage autour de moi
comme un air impalpable;
Je l'avale et le sens
qui brûle mon poumon
Et l'emplit d'un désir
éternel et coupable.
Parfois il prend,
sachant mon grand amour de l'Art,
La forme de la plus
séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux
prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à
des philtres infâmes.
Il me conduit ainsi,
loin du regard de Dieu,
Halelant et brisé de
fatigue, au milieu
Des plaines de l'Ennui,
profondes et desertes,
Et jette dans mes yeux
pleins de confusion
Des vêtements
souillés, des blessures ouvertes,
Et l'appareil sanglant
de la Destruction!
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.
LXXVIII. LA DESTRUCCIÓN
El Demonio se agita a
mi lado sin tregua;
Nada a mi alrededor
como un aire impalpable;
Yo lo trago y descubro
que quema mis pulmones
Que llena de un deseo
infinito y culpable.
Toma a veces, sabiendo
de mi amor por el Arte,
De la más seductora
mujer el parecido,
Y, usando de engañosos
pretextos de falsario,
Acostumbra mis labios a
los filtros infames.
Lejos de la mirada de
Dios, así me lleva,
Jadeante y deshecho por
la fatiga, al centro
de planicies de Hastío,
profundas y desiertas,
Y lanza ante mis ojos
llenos de confusión
Vestiduras manchadas y
entreabiertas heridas,
¡Y el sangriento
aparato de la cruel Destrucción!
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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