LXXXVII. LES
MÉTAMORPHOSES DU VAMPIRE
La femme cependant, de
sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi
qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses
seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces
mots tout imprégnés de musc:
-”Moi, j'ai la lèvre
humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un
lit l'antique conscience.
Je sèche tous les
pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux
du rire des enfants.
Je remplace, pour qui
me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le
ciel et les étoiles!
Je suis, mon cher
savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j'étouffe un
homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne
aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et
fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui
se pâment d'émoi,
Les anges impuissants
se damneraient pou moi!”
Quand elle eut de mes
os sucé toute la moelle,
Et que languissamment
je me tournai vers elle
Pour lui rendre un
baiser d'amour, je en vis plus
Qu'une outre aux flancs
gluants, toute pleine de pus!
Je fermai les deux
yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris
à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu
de mannequin puissant
Qui sambleit avoir fait
provision de sang,
Tremblaient confusément
des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes
rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au
bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent
pendant les nuits d'hiver.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal,1837.
LXXXVII. LAS
METAMORFOSIS DEL VAMPIRO
La mujer, mientras
tanto, de su boca de fresa,
Retorciendose igual que
serpiente en las brasas,
Y moldeando sus pechos
los hierros del corsé,
Exhalaba palabras
impregnadas de almizcle:
-”Tengo húmedos los
labios, y conozco la ciencia
De perder en el fondo
del lecho la conciencia.
Seco todos los llantos
en mis pechos triunfantes,
Y hago reír a los
viejos con risas infantiles.
¡Para quien me
contempla desnuda y desvelada,
Reemplazo al sol, la
luna, el cielo y las estrellas!
¡Soy, mi querido
sabio, tan docta en los deleites,
Cuando sofoco a un
hombre en mis temidos brazos,
O cuando a los
mordiscos abandono mi busto,
Tímida y libertina,
delicada y robusta,
Que sobre esos
colchones que de emoción se arroban,
Impotentes los ángeles
se perdieran por mí!”
Cuando hubo succionado
de mis huesos la médula,
Y muy languidamente me
volvía hacia ella
Para rendirle un beso
de amor, ¡yo no vi más
Que un odre pegajoso,
rebosante de pus!
En mi helado terror,
los dos ojos cerré,
Y cuando los reabrí al
vivo resplandor,
Junto a mí, en el
lugar del maniquí potente
Que parecía haber
hecho provisión de mi sangre,
En confusión temblaban
pedazos de esqueleto,
De los cuales surgían
chirridos de veleta
O de rótulo, al cabo
de una percha de hierro,
Qué balancea el viento
en las noches de invierno.
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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