LXXIII. LE MORT JOYEUX
Je veux creuser
moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir
étaler mes vieux os
Et dormir dans l'oubli
comme un requin dans l'onde.
Je hais les testaments
et je hais les tombeaux;
Plutôt que d'implorer
une larme du monde,
Vivant, j'aimerais
mieux inviter les corbeaux
À saigner tous les
bouts de ma carcasse immonde.
Ô vers! Noirs
compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un
mort libre et joyeux;
Philosophes viveurs,
fils de la pourriture,
À travers ma ruine
allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est
encor quelque torture
Pour ce vieux corps
sans âme et mort parmi les morts!
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.
LXXIII. EL MUERTO FELIZ
En una tierra fértil,
llena de caracoles,
Una fosa profunda
quisiera yo cavar,
Donde extender a gusto
mis pobres huesos viejos
Y en olvido dormir cual
escualo en el mar.
Odio los testamentos al
igual que las tumbas;
Y mejor que implorar
una lágrima al mundo,
Preferería, vivo,
invitar a los cuervos
A pelar los extremos de
mi carcasa inmunda.
¡Gusanos! Compañeros
sin ojos ni oídos,
Ved llegar a vosotros
un libre y feliz muerto;
Filosofos vivientes,
hijos de la carroña,
A través de mi ruina
id sin remordimientos,
Y decidme si aún resta
siquiera una tortura
¡Para un cuerpo sin
alma y muerto entre los muertos!
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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