miércoles, 5 de agosto de 2015

“Les fleurs du mal”, LE CHAT (Dans ma cervelle se promène...), de Charles Baudelaire

XLVII. LE CHAT

I

Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases;
Pour dire les plus longues phrases
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux!

II

-De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal,1837.


XLVII. EL GATO

I

Por mi mente se pasea,
Igual que en su apartamento,
Un gato hermoso, fuerte, dulce y encantador.
Cuando maulla, apenas se le oye,

Tan tierno y discreto es su sonido;
Aunque su voz se suavice o gruña,
Es siempre rica y profunda.
He aquí su encanto y su secreto.

Esa voz, que gotea y se filtra
En mi interior más tenebroso,
Me colma como un verso abundante
Y me alegra como una pócima.

Adormece los más crueles males
Y contiene todos los éxtasis;
Para decir las más largas frases
No necesita de palabras.

No, no hay un arco que hiera
mi corazón, instrumento perfecto,
Y haga más majestuosamente
Cantar su más vibrante cuerda,

Como tu voz, gato misterioso,
Gato seráfico, gato extraño,
En que todo es, como en un ángel,
¡Tan sutil como armonioso!

II

-De su piel rubia y morena
Brota un perfume tan dulce, que una noche
Quedé embalsamado, por haberlo
Acariciado una vez, solo una.

Es el espíritu familiar del lugar;
Juzga, preside, inspira
Todas las cosas en su reino;
¿Es mago tal vez, un dios acaso?

Cuando mis ojos, hacia ese gato que amo
Y que encuentro en mi propio interior,
Se vuelven dócilmente,
Atraidos como por un imán,

Veo con asombro
El brillo de sus pupilas pálidas,
Claras farolas, ópalos vivos,
Que me contemplan fijamente.

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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