XLVII. LE CHAT
I
Dans ma cervelle se
promène,
Ainsi qu'en son
appartement,
Un beau chat, fort,
doux et charmant.
Quand il miaule, on
l'entend à peine,
Tant son timbre est
tendre et discret;
Mais que sa voix
s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche
et profonde.
C'est là son charme et
son secret.
Cette voix, qui perle
et qui filtre
Dans mon fonds le plus
ténébreux,
Me remplit comme un
vers nombreux
Et me réjouit comme un
philtre.
Elle endort les plus
cruels maux
Et contient toutes les
extases;
Pour dire les plus
longues phrases
Elle n'a pas besoin de
mots.
Non, il n'est pas
d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait
instrument,
Et fasse plus
royalement
Chanter sa plus
vibrante corde,
Que ta voix, chat
mystérieux,
Chat séraphique, chat
étrange,
En qui tout est, comme
en un ange,
Aussi subtil
qu'harmonieux!
II
-De sa fourrure blonde
et brune
Sort un parfum si doux,
qu'un soir
J'en fus embaumé, pour
l'avoir
Caressée une fois,
rien qu'une.
C'est l'esprit familier
du lieu;
Il juge, il préside,
il inspire
Toutes choses dans son
empire;
Peut-être est-il fée,
est-il dieu?
Quand mes yeux, vers ce
chat que j'aime
Tirés comme par un
aimant,
Se retournent
docilement
Et que je regarde en
moi-même,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles
pâles,
Clairs fanaux, vivantes
opales,
Qui me contemplent
fixement.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal,1837.
XLVII. EL GATO
I
Por mi mente se pasea,
Igual que en su
apartamento,
Un gato hermoso,
fuerte, dulce y encantador.
Cuando maulla, apenas
se le oye,
Tan tierno y discreto
es su sonido;
Aunque su voz se
suavice o gruña,
Es siempre rica y
profunda.
He aquí su encanto y
su secreto.
Esa voz, que gotea y se
filtra
En mi interior más
tenebroso,
Me colma como un verso
abundante
Y me alegra como una
pócima.
Adormece los más
crueles males
Y contiene todos los
éxtasis;
Para decir las más
largas frases
No necesita de
palabras.
No, no hay un arco que
hiera
mi corazón,
instrumento perfecto,
Y haga más
majestuosamente
Cantar su más vibrante
cuerda,
Como tu voz, gato
misterioso,
Gato seráfico, gato
extraño,
En que todo es, como en
un ángel,
¡Tan sutil como
armonioso!
II
-De su piel rubia y
morena
Brota un perfume tan
dulce, que una noche
Quedé embalsamado, por
haberlo
Acariciado una vez,
solo una.
Es el espíritu
familiar del lugar;
Juzga, preside, inspira
Todas las cosas en su
reino;
¿Es mago tal vez, un
dios acaso?
Cuando mis ojos, hacia
ese gato que amo
Y que encuentro en mi
propio interior,
Se vuelven dócilmente,
Atraidos como por un
imán,
Veo con asombro
El brillo de sus
pupilas pálidas,
Claras farolas, ópalos
vivos,
Que me contemplan
fijamente.
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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