XIX. LA GÉANTE
Du temps que la Nature
en sa verve puissante
Concevait chaque jour
des enfants monstrueux,
J'eusse aimé vivre
auprès d'une jeune géante,
Comme aux pieds d'une
reine un chat voluptueux.
J'eusse aimé voir son
corps fleurir avec son âme
Et grandir librement
dans ses terribles jeux;
Deviner si son coeur
couve une sombre flamme
Aux humides brouillards
qui nagent dans ses yeux;
Parcourir à loisir ses
magnifiques formes;
Ramper sur le versant
de ses genoux énormes,
Et parfois en été,
quand les soleils malsains,
Lasse, la font
s'étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à
l'ombre de ses seins,
Comme un hameau
paisible au pied d'une montagne.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.
XIX. LA GIGANTA
Cuando Naturaleza en su
pujante impulso
Creaba cada día
criaturas monstruosas,
Hubiera deseado
juntarme a una giganta,
Como al pie de una
reina un gato voluptuoso.
Verla hubiera querido
brotar en cuerpo y alma
Y así libre crecer en
sus terribles juegos;
Prever si el corazón
incuba oscura llama
En las húmedas nieblas
que nadan en sus ojos;
Con calma recorrer sus
magníficas formas;
Trepar por la vertiente
de sus grandes rodillas,
Y a veces en verano,
cuando malsanos soles,
Lasa, la hacen tumbarse
a través de los campos,
Dormir tranquilamente
amparado en sus senos,
Como apacible aldea al
pie de una montaña.
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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