XIV.
L'HOMME ET LA MER
Homme
libre, toujours, tu chériras la mer!
La
mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Et
ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu
te plais à plonger au sein de ton image;
Tu
l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se
distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au
bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous
êtes tous les deux ténébreux et discrets:
Homme,
nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
Ô
mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant
vous êtes jaloux de garder vos secrets!
Et
cependant voilà des siècles innombrables
Que
vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement
vous aimez le carnage et la mort,
Ô
lutteurs éternels, ô frères implacables!
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.
XIV.
El HOMBRE Y LA MAR
¡Hombre
libre, tú siempre amarás a la mar!
La
mar, tu espejo es; tú contemplas tu alma
En
el desplazamiento eterno de sus olas,
Pues
tu espíritu no es abismo menos agrio.
Te
agrada sumergirte en lo hondo de tu imagen;
La
abrazas con los ojos, brazos, y el corazón
A
veces se distrae de su propio rumor
Al
ruido de esa queja indomable y salvaje.
Ambos
sois a la vez sombríos y discretos:
Hombre,
nadie ha llegado al fondo de tu abismo,
Oh
mar, nadie conoce tus riquezas más íntimas,
¡Ambos
sois tan celosos guardando los secretos!
Y
sin embargo hace innumerables siglos
Que
os libráis en combate sin piedad ni atrición,
De
tal manera amáis la masacre y la muerte,
¡Luchadores
eternos, hermanos implacables!
Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)
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