lunes, 20 de julio de 2015

“Les fleurs du mal”, L'HOMME ET LA MER, de Charles Baudelaire

XIV. L'HOMME ET LA MER

Homme libre, toujours, tu chériras la mer!
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets:
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables!

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1837.


XIV. El HOMBRE Y LA MAR

¡Hombre libre, tú siempre amarás a la mar!
La mar, tu espejo es; tú contemplas tu alma
En el desplazamiento eterno de sus olas,
Pues tu espíritu no es abismo menos agrio.

Te agrada sumergirte en lo hondo de tu imagen;
La abrazas con los ojos, brazos, y el corazón
A veces se distrae de su propio rumor
Al ruido de esa queja indomable y salvaje.

Ambos sois a la vez sombríos y discretos:
Hombre, nadie ha llegado al fondo de tu abismo,
Oh mar, nadie conoce tus riquezas más íntimas,
¡Ambos sois tan celosos guardando los secretos!

Y sin embargo hace innumerables siglos
Que os libráis en combate sin piedad ni atrición,
De tal manera amáis la masacre y la muerte,
¡Luchadores eternos, hermanos implacables!

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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