sábado, 18 de julio de 2015

“Les fleurs du mal”, ÉLÉVATION, de Charles Baudelaire

III. ÉLÉVATION

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par-delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Hereux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
-Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes.

Charles Baudelaire (Les fleurs du mal, 1837)


III. ELEVACIÓN

Por encima de lagos, por encima de valles,
De montañas, de bosques, de nubes y de mares,
Más allá de este sol, más allá de los éteres,
Más alla de confines de esferas estrelladas,

Te desplazas, espíritu, con gran agilidad,
Y, como nadador que se arroba en la ola,
Alegremente surcas la inmensidad profunda
Con un indescriptible y viril hedonismo.

Elévate bien lejos de estos mórbidos miasmas;
Vete a purificar al aire superior,
Y bebe, como un puro y divino licor,
El claro ardor que llena los límpidos espacios.

Detrás de los hastíos y los vastos pesares
Que cargan con su peso la existencia brumosa,
Feliz aquel que puede con ala vigorosa
Lanzarse hacia los campos luminosos y calmos;

Aquel cuyas ideas, igual que las alondras,
De mañana hacia el cielo toman un libre impulso,
-Que planea la vida, y sabe sin esfuerzo
La lengua de las flores y de las cosas mudas.

Charles Baudelaire
(Versión de Pedro Casas Serra)

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